Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/72

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qu’incombe la formation morale des enfants ? Avec des visées autres et en se proposant, il est vrai, un but différent, les hommes d’état révolutionnaires, persuadés que la bonne éducation des femmes est l’une des bases nécessaires du bien public, ne feront que développer et paraphraser les idées que Fénelon se contente d’indiquer d’un trait léger mais fort net.

Donc, il faut préparer la femme à son rôle essentiel, celui d’épouse et de mère. Or, on ne saurait être ni l’une ni l’autre sans une pratique raisonnée de la vertu et sans une connaissance, également raisonnée, des devoirs religieux. Destinée à faire le bonheur de son mari, ce à quoi elle ne pourra parvenir qu’en lui rendant son foyer agréable, elle doit, certes, repousser le pédantisme, mais tout autant l’ignorance. Qu’elle ait l’esprit orné, rien de mieux pour accroître sa grâce et le plaisir que l’époux goûtera en sa compagnie. Et comme elle est, à l’intérieur, la collaboratrice indispensable de son mari, il est bon qu’elle acquière des connaissances solides et tournées vers la pratique.

Mais n’est-elle pas aussi la première et la plus indispensable éducatrice de ses enfants ? Elle ne pourra tenir ce rôle en conscience que si elle-même possède, en bon ordre et bien assimilées, ces notions premières de toutes choses que le garçon dans sa première enfance, la fille jusqu’à l’adolescence, souvent jusqu’au mariage, reçoit de sa mère et d’elle seule. Connaissances théoriques nécessaires à pourvoir les enfants des premiers éléments de la science et notions pédagogiques destinées à permettre l’emploi judicieux et fructueux de ces connaissances ; connaissances pratiques sans lesquelles la femme ne joue pas son rôle de maîtresse de maison et de dispensatrice de la prospérité des familles ; enfin études d’agrément qui ornent l’esprit de la femme et, recherchée par son mari et les personnes de goût, d’autre part, lui permettent d’honnêtement se distraire. Telles sont les grandes lignes du programme que Fénelon trace à la femme. Il est vaste encore, on le voit, et Fénelon, en effet, après avoir restreint les limites de la science féminine, exige que, dans ces frontières, cette science soit approfondie.

Les bases de l’enseignement féminin sont naturellement la lecture, l’écriture et l’arithmétique. Mais Fénelon, combattant un préjugé trop à la mode de son temps chez les femmes — et même chez les hommes — de qualité, estime qu’il est honteux pour une femme bien élevée de ne pas connaître à fond sa langue maternelle et exige une sûre connaissance sinon théorique du moins pratique de l’orthographe, « Il est honteux, dit-il, mais ordinaire de voir