Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/81

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cile de faire autrement car, en dehors des religieuses qui étaient loin d’avoir toutes, il s’en fallait de beaucoup, les connaissances, somme toute étendues, des membres de la communauté de Saint-Cyr, il était fort difficile de trouver un personnel enseignant féminin. Presque tous ceux qui ont traité au xviiie siècle de l’éducation des femmes ont montré eux-mêmes la pierre d’achoppement où se briseraient leurs tentatives de réformes : la pénurie de femmes aptes à enseigner[1].

Aussi l’enseignement dispensé par les religieuses dans les plus importants établissements de Paris est-il bien superficiel.

La grammaire, l’étude de la littérature française, la géographie, l’histoire, l’arithmétique en forment la base.

Un effort est d’ailleurs tenté pour adapter les matières d’enseignement à l’esprit des jeunes filles : on essaye de rendre les livres scolaires pratiques et attrayants.

Panckouke lance, en 1749, toute une série d’ouvrages où les sujets sont traités par questions et réponses. La rhétorique se transforme en morceaux choisis. On commence, comme le voulait Fénelon, à étudier l’histoire moderne et à distribuer des connaissances assez étendues sur les différentes parties du monde[2]. Cependant, la mythologie tient toujours une grande place ainsi que de longues digressions sur le bas-Empire ; la géographie est surtout une énumération.

L’enseignement individuel, à cause sans doute des mauvais résultats que donnait l’enseignement collectif, fut en faveur. Il est naturellement très difficile de connaître avec précision cet enseignement. Bien rares sans doute, du moins dans la noblesse, étaient les mères qui, comme le voulait Mme d’Epinay, se préoccupaient par une méthode quasi socratique de développer le bon sens de leurs filles tout en leur inculquant les notions premières[3].

La plupart du temps, les filles sont laissées aux gouvernantes, dont le rôle est plus celui de surveillantes que d’éducatrices !… L’esprit qui prévaut dans leur éducation est un esprit mondain. Et Goncourt, faisant la psychologie de la petite fille, peut s’exprimer ainsi : « L’âme des femmes est imprégnée de légèreté et de vanité dès la plus tendre enfance. Le maître de danse, dans l’éducation d’une jeune demoiselle, a le pas sur le maître à lire et

  1. Cf. Riballier. De l’éducation physique et morale des femmes.
  2. Panckouke. Études convenables aux demoiselles. Grammaire rhétorique, histoire, géographie (Paris, 1749).
  3. Mme d’Epinay. Conversation d’Émilie.