Page:Abensour - Les vaillantes, 1917.djvu/144

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Le manifeste lancé en novembre 1914 par l’élite des femmes allemandes est en tout point digne de celui des intellectuels. Même arrogance, même faux intérêt de la civilisation et de l’humanité, même souci de rejeter sur les alliés toutes les responsabilités.

Quelle différence avec la dignité triste de nos Françaises, l’étonnement scandalisé des Anglaises, la pitié profonde des femmes russes !

Après les mécomptes de la Marne et de l’Yser, quand les morts s’amoncellent et que la famine fait sentir son étreinte, les femmes allemandes supportent mal l’adversité. Il est dur de se priver quand on a cru goûter les fruits d’une rapide victoire. Sur la ménagère allemande, la vie chère, la disparition des denrées essentielles pèsent lourdement. Et puisque la guerre était une affaire, elles s’en désintéressent dès l’instant que l’affaire est mauvaise.

Depuis le printemps de 1915, depuis le 18 mars, date où devant le Reichstag des femmes manifestent pour la paix, les journaux n’ont cessé d’enregistrer les manifestations tumultueuses de femmes qui, en deux mots, réclament toujours « du pain ou la paix ! » Halle, Dusseldorf, Leipzig, Berlin, ont vu la troupe charger des centaines de femmes hurlant devant les boucheries vides et les boulangeries fermées, les faubouriennes insulter la famille impériale et accueillir l’empereur par un silence glacial. Les Viennoises, dérangées par la guerre de leur vie insouciante et facile, ont maintes fois protesté, réclamé un armistice, une paix même séparée. Il n’est pas jusqu’aux désenchantées de Stamboul qui