Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/147

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« — Il est probable que vous serez pris ou tué.

« — Oui, sire.

« — C’est pourquoi j’envoie deux autres officiers avec des copies de la même dépêche. Vous êtes trois, les ennemis en tueront deux, le troisième arrivera, et la France sera sauvée.

« — Oui, sire.

« — Celui qui reviendra sera général de brigade.

« — Oui, sire. »

« Tous les détails de cet entretien, toutes les paroles de l’empereur, toutes les réponses que j’eus l’honneur de lui adresser sont encore gravés dans ma mémoire. Nous partîmes séparément tous les trois. Hélas ! aucun de nous ne parvint au but de son courage, et j’ai appris aujourd’hui que la France n’avait pas été sauvée. Mais quand je vois des pékins d’historiens raconter que l’empereur oublia d’envoyer des ordres au général Rapp, j’éprouve une funeste démangeaison de leur couper… au moins la parole.

« Prisonnier des Russes dans un village allemand, j’eus la consolation d’y trouver un vieux savant qui me donna la preuve d’amitié la plus rare. Qui m’aurait dit, lorsque je cédai à l’engourdissement du froid dans la tour de Liebenfeld, que ce sommeil ne serait pas le dernier ? Dieu m’est témoin qu’en adressant du fond du cœur un suprême adieu à Clémentine, je ne me flattais plus de la revoir jamais. Je te