Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gent perdu. Cinq ans plus tard, Mme Meiser disait à son mari avec un sourire tendre et philosophique : « Qui peut pénétrer les décrets de la Providence ? Ton fils nous aurait peut-être mis sur la paille. Regarde Théobald Scheffler, son ancien camarade. Il a mangé vingt mille francs à Paris pour une femme qui levait la jambe au milieu de la contredanse. Nous-mêmes, nous dépensions plus de deux mille thalers chaque année pour notre mauvais garnement ; sa mort est une grosse économie, et par conséquent une bonne affaire ! »

Du temps que les trois cercueils de Fougas étaient encore à la maison, la bonne dame raillait les visions et les insomnies de son époux. « À quoi donc penses-tu ? lui disait-elle. Tu m’as encore donné des coups de pied toute la nuit. Jetons au feu ce haillon de Français : il ne troublera plus le repos d’un heureux ménage. Nous vendrons la boîte de plomb ; il y en a pour le moins deux cents livres ; la soie blanche me fera une doublure de robe et la laine du capitonnage nous donnera bien un matelas. » Mais un restant de superstition empêcha Meiser de suivre les conseils de sa femme : il préféra se défaire du colonel en le mettant dans le commerce.

La maison des deux époux était la plus belle et la plus solide de la rue du Puits-Public, dans le faubourg noble. De fortes grilles en fer ouvré déco-