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raient magnifiquement toutes les fenêtres, et la porte était bardée de fer comme un chevalier du bon temps. Un système de petits miroirs ingénieux accrochés à la façade permettait de reconnaître un visiteur avant même qu’il eût frappé. Une servante unique, vrai cheval pour le travail, vrai chameau par la sobriété, habitait sous ce toit béni des dieux.

Le vieux domestique couchait dehors, dans son intérêt même, et pour qu’il ne fût point exposé à tordre le col vénérable de ses maîtres. Quelques livres de commerce et de piété formaient la bibliothèque des deux vieillards. Ils n’avaient point voulu de jardin derrière leur maison, parce que les arbres se plaisent à cacher les voleurs. Ils fermaient leur porte aux verrous tous les soirs à huit heures et ne sortaient point de chez eux sans y être forcés, de peur de mauvaises rencontres.

Et cependant le 29 avril 1859, à onze heures du matin, Nicolas Meiser était bien loin de sa chère maison. Dieu ! qu’il était loin de chez lui, cet honnête bourgeois de Dantzig ! Il arpentait d’un pas pesant cette promenade de Berlin qui porte le nom d’un roman d’Alphonse Karr : Sous les tilleuls. En allemand Unter den Linden.

Quel mobile puissant avait jeté hors de sa bonbonnière ce gros bonbon rouge à deux pieds ? Le même qui conduisit Alexandre à Babylone, Scipion à Carthage, Godefroi de Bouillon à Jérusalem et