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MADELON.

rer pour lui-même ; les portes qu’on n’ouvre point sans la clef d’or, s’entrebâillaient spontanément lorsqu’il se présentait un bouquet à la main. Heureux enfant !… Trop heureux même. Car les bouquets, les bonbons, les soupers fins, les loges grillées et autres menus accessoires avaient dévoré complétement un patrimoine de deux cent mille écus (somme énorme pour l’époque), dans l’espace de cinq ou six ans. Le jour n’était pas loin où ce brillant Gérard, préféré par la plus jolie femme du monde galant, devrait se ranger ou s’endetter, à son choix. À moins que l’oncle Champion !… mais l’oncle, ancien professeur de morale économique, cumulait pour lui seul les neuf ou dix traitements dont il était surchargé par la confiance de son pays. Il n’avait aucune parenté avec son bienfaisant homonyme, l’homme au petit manteau bleu.

Gérard prit M. de Mayran par le bras gauche, M. Belley par le bras droit, et les poussa vers le rond-point.

« Or ça, messeigneurs, dit-il en imitant les intonations romantiques du grand Bocage, m’est avis que l’on se querellait céans ! Vous plait-il m’avoir pour arbitre et juge du camp, sûrs que vous êtes de ma sincère et féale amitié ?

— Mon cher ami, répondit vivement M. Belley, voici le fait en trois mots. Tu connais le prince d’Armagne ? Il est des nôtres.

— Pas des miens ! dit Mayran.

— Ce jacobin de Mayran aura beau me guillotiner la parole ; Astolphe d’Armagne est véritablement le prince de la jeunesse ; un peu fou, si l’on veut, mais grand nom, grande fortune et grand cœur. Il venait de nous saluer tout à l’heure, et il courait dans son phaéton neuf à la poursuite d’un petit coupé bleu. Un omnibus l’accroche, tout saute, le valet à gauche, le prince à droite, écrasant son chapeau comme une galette et faisant le