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Le pangermanisme et la Belgique,


par H. PIRENNE, président de l’Académie.
Mesdames, Messieurs,

Le mot nation a été emprunté au latin par les langues modernes, mais elles ne lui donnent pas toute le même sens. L’Anglais et le Français appellent nation « une réunion d’hommes formant une société politique régie par des institutions communes[1] ». Pour eux, chaque nation est une communauté morale, constituée par la participation à la même vie historique, entretenue par la conscience des mêmes intérêts généraux, animée par la même volonté collective, dirigée par le même gouvernement, d’accord avec l’opinion publique. On peut saisir, en France, dès le XVIe siècle, les premières manifestations de cette idée. Elle apparaît déjà nettement dégagée dans l’Angleterre du XVIIe siècle. La Révolution française lui donne enfin sa forme définitive. En affirmant que « tous les pouvoirs émanent essentiellement de la nation et ne peuvent émaner que d’elle », elle considère évidemment celle-ci comme une association de citoyens rassemblés par le désir de poursuivre en commun leurs destinées. Il en résulte que la nation est, avant tout, une personne politique.

Tous ses membres, du moins en théorie, participent de la

  1. Définition du dictionnaire de Darmesteter et Hatzfeld.