Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/104

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jeter, au besoin, sur une épaule un peu trop nue un voile un peu moins transparent ? Non ; vous vous étiez donné encore une autre tâche. Atténuer le danger ne vous suffisait pas, vous entendiez le combattre ; et, tout en vous inspirant des grâces de votre modèle, tout en lui dérobant ses secrets, vous preniez hardiment le contre-pied de ses doctrines.

C’est là, Monsieur, un genre d’originalité dont l’honneur vous appartient en propre. Qu’on fasse à l’auteur d’un Caprice, au peintre de Fortunio, la part si large qu’on voudra ; reste ce fait incontestable, que, sur les grands problèmes de ce monde, et, disons-le, sur presque toutes choses, vous pensez autrement que lui. De là, entre vos deux œuvres, des dissonnances essentielles, et, sous d’apparentes analogies, la plus réelle diversité.

Aussi, quand, par hasard, vous prenez comme lui l’air dégagé, presque frivole, qui sied à ces jeux d’esprit, on sent que chez vous c’est un masque ; qu’au fond vous avez un avis très-arrêté, très-sérieux, sur les choses dont vous badinez ; qu’entre le bien et le mal, par exemple, hésiter vous est impossible ! l’un vous tient trop au cœur, l’autre vous révolte trop. Vous vous moquez de nos travers, mais l’espoir de nous corriger perce sous vos paroles autant et plus encore que l’envie de nous divertir ; et, pour peu que la situation autorise vos personnages à laisser déborder vos propres sentiments, comme ils se prennent corps à corps avec les préjugés, les faiblesses, les lâchetés du monde ! comme ils font vaillamment justice de la fausse sagesse et du respect humain ! Toujours, bien entendu sans paraître y toucher ; sans harangue et sans homélie ; en quelques mots