Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/121

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fin à tous ses discours. Vos suffrages pourtant ne lui ont pas été donnés en vain ; grâce à vous, les noms de Lacordaire et de Tocqueville, unis dans cette séance mémorable, iront porter ensemble à l’avenir un symbole complet de dignité chrétienne et d’honneur politique. La mort, en les surprenant dans cette rencontre inattendue, a consacré pour jamais l’alliance que vous avez faite entre ces deux renommées.

Sans doute, Messieurs, après ces coups répétés, vous avez désespéré de donner au Père Lacordaire un successeur capable de faire oublier votre double perte. Vous vous êtes contentés d’en trouver un qui la ressentît, comme vous, tout entière. Je ne vois pas d’autre motif pour justifier à mes propres yeux le redoutable honneur que vous m’avez fait. J’ai connu ces deux hommes de bien : ils m’ont permis de les aimer, ils ont encouragé mes premiers efforts. Vous avez jugé qu’il m’était plus aisé qu’à personne peut-être de les confondre dans un même regret. Est-ce assez pourtant pour me rassurer ? Je songe que, quand nous les possédions, c’est ici qu’ils se trouvaient dans la société de leurs égaux. Qui suis-je pour entrer dans une telle compagnie sous le poids de tels souvenirs ? Souffrez que, pour me soustraire au fardeau de la comparaison, j’abrège l’expression de ma reconnaissance.

J’ai, d’ailleurs, à vous entretenir d’un sujet plus digne de votre intérêt. Je dois vous parler d’une vie pleine d’enseignements et de contrastes, et c’est déjà presque une singularité piquante que d’avoir à en faire ici le tableau : car pas un jour de cette vie n’a été consacré à rechercher la gloire dont vous êtes les dispensateurs. J’ai à vous rappeler com-