Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/123

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teur. Dans le présent, c’était un goût prononcé pour les institutions libérales, mais nulle reconnaissance pour la royauté de qui ce bienfait nous était venu : un attachement passionné pour tous les résultats de la révolution française, d’où naissaient souvent une frayeur chimérique de les perdre et une précipitation à les défendre, qui aboutissaient à les compromettre. Le jeune Lacordaire était pleinement de son temps sur tous ces points : il en avait les qualités, les défauts, les convictions, les préventions.

Ce qu’on chercherait vainement dans cet ensemble d’idées, c’en est une qui fût de nature à porter ses vues vers le sacerdoce. Le spectacle que Paris offrait à ses regards n’était pas mieux fait pour l’y disposer. C’était le moment le plus vif de ce qu’on appelait, dans la langue du jour, l’alliance du trône et de l’autel. La vieille Église de France et la monarchie restaurée, engagées dans les liens d’une intimité très-apparente, faisaient front ensemble à l’assaut des partis. Cette union ne trouvait pas grâce devant l’opinion contemporaine, qui ne lui tenait compte ni des souvenirs séculaires, ni de la communauté de malheurs qui l’avait fondée, ni de l’autel de saint Louis, ni de l’échafaud de Louis XVI. Au lendemain de 1789, une politique trop amie de l’Église paraissait un défi porté au principe même de la société nouvelle. Des pamphlets, des chansons, des dénonciations, écloses chaque matin dans la presse, venaient envenimer cette inquiétude et comme agacer ce nerf irritable. D’humeur indépendante, d’une fierté ombrageuse et indocile, Lacordaire était l’homme le moins fait pour être tenté de s’enrôler par une ambition profane dans les milices d’une religion en crédit.

Dix-huit mois pourtant ne s’étaient pas écoulés pour lui