Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/132

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fers, cette Pologne qui ne veut pas mourir tant qu’une prière peut monter au ciel en faveur du droit. L’école nouvelle ne pouvait se maintenir contre les désaveux unanimes, bien que non concertés, de l’Église et de l’État, qui ne voulaient pas plus l’un que l’autre modifier, à la voix des novateurs, les conditions de leur existence propre et celles du traité qui les unissait. De la part de l’État la répression fut légère : c’était le temps des résistances faciles et bruyantes qui, éclatant dans une atmosphère peu comprimée, ébranlent aisément tous les échos de l’opinion. Il y eut plusieurs procès, c’est-à-dire, suivant la mode d’alors, autant d’occasions de déployer beaucoup d’éloquence et d’encourir peu de sévérité. L’épopée de cette lutte avec l’État eut même ses incidents héroï-comiques. Un jour c’était le jeune ecclésiastique qui, peu content de prêcher et d’écrire pour la cause de la liberté, voulait aussi, en souvenir de son premier métier, la plaider à l’audience : et il fallait une décision des chefs du barreau pour interdire à Lacordaire de cacher la soutane du prêtre sous la toge de l’avocat. Le lendemain, ce n’était plus comme avocat, mais comme maître d’école sans brevet, qu’il comparaissait devant la première cour du royaume en compagnie d’un des derniers rejetons de l’hérédité de la pairie prête à s’éteindre : et cette juridiction, plus aisément paternelle encore ce jour-là qu’aucun autre, souriait à l’éloquence pleine de verdeur d’un des complices, comme un aïeul à la vivacité généreuse et mutine du dernier enfant de sa race. Dans le sein de l’Église, le combat fut plus sérieux, portant plus au fond des idées, touchant plus au vif des cœurs fidèles. M. de Lamennais le soutint, le provoqua même avec toute l’âpreté de son naturel. Le clergé de France le désavouait : il se cita lui-même devant Rome, s’y