Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/140

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ou de l’éducation communes, depuis ceux de l’antiquité classique jusqu’à ceux de la France révolutionnaire et impériale : une grandeur constante dans les pensées, préservées de l’emphase par une expression dont le naturel n’était pas exempt d’un peu de calcul : de loin en loin une locution familière, un néologisme contemporain qui avait pour effet de reposer l’auditeur novice en théologie et de lui causer le même plaisir que fait au voyageur en pays lointain l’accent subitement reconnu du lieu natal : parfois enfin des élans de sensibilité, des retours sur sa jeunesse infidèle, des appels du cœur, plus perçants pourtant que tendres, comme le cri du pâtre qui rappelle la brebis qui s’égare : de cet ensemble résultait la prédication la plus féconde en contrastes, la plus inattendue dans ses saillies, la mieux faite pour enlever la foule, la plus impossible à prévoir et à imiter qui fut jamais. L’effet était immense. La parole sainte semblait sortir de l’Église, et venir, comme aux jours du Christ, chercher les péagers au milieu du bruit de leurs affaires ou de leurs fêtes. Le christianisme, que cette génération croyait si éloignée d’elle, reparaissait à côté d’elle et à sa portée : elle en retrouvait l’empreinte effacée sous ses coutumes, ses monuments et ses lois, et jusque dans sa propre pensée, et elle s’écriait comme le pèlerin de la Bible sortant de son sommeil : Vraiment Dieu était ici, et je ne le savais pas !

Sur la jeunesse surtout l’impression était profonde. Ce qui la séduisait, ce n’était pas seulement la nouveauté d’une prédication pleine d’espérance qui ne la condamnait pas comme d’autres à tenter vers un passé peu regretté un retour chimérique ; c’était aussi le plaisir de retrouver en l’écoutant un accord entre tous les sentiments généreux dont cet âge confiant