Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/143

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D’où lui était venue cette pensée ? De toutes les institutions de l’Église, la moins bien vue, à coup sûr, à cette époque, c’était l’institution monastique. Les congrégations religieuses avaient péri sous le poids des accusations et des railleries de tout un siècle, et demeuraient frappées d’une prohibition légale absolue. Pourquoi, lui, l’orateur qui avait su conquérir la popularité et qui ne la dédaignait pas ; lui qui aimait son temps et qu’on accusait même de le flatter, s’était-il mis en tête de relever un des souvenirs les plus effacés et les moins bien compris du passé ? D’où était venu à cet esprit novateur ce goût subit pour une restauration ?

Il y aurait, Messieurs, deux réponses à faire à cette question, parce qu’il y a deux manières de l’entendre. S’agit-il seulement de savoir ce qui avait tourné la pensée de Lacordaire vers la vocation monastique, et ce qui avait dissipé chez lui une prévention, lieu commun des beaux esprits de sa jeunesse, à laquelle n’échappaient pas, il y a cinquante ans, beaucoup de bons chrétiens ? Demande-t-on qui lui avait appris à ne plus voir dans les moines, soit des victimes d’une oppression domestique, soit des jouets de la superstition, soit des frelons oisifs dévorant la substance de la ruche sans vouloir prendre part au travail ? Si c’était simplement ce changement dans l’appréciation d’un grand souvenir dont on cherchât la cause, je n’irais pas loin pour l’indiquer : car les coupables sont devant moi. Je parle devant les principaux ouvriers d’une réforme historique qui sera l’honneur de nôtre âge, et qui, pour rendre justice à l’Église et à toutes ses œuvres, a su voir clair à travers l’obscurité des vieilles annales. Aucune des institutions du passé n’a eu plus que les ordres religieux à se louer de l’équité de la critique sa-