Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/148

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contre-poids fussent aussi sans fondements et, au jour du péril, sans défenseurs. Une nation formée d’hommes ainsi juxtaposés, sans autre ciment qui les unisse que le pouvoir d’un maître, est une montagne formée de grains de sable qu’épargne un jour la lassitude des vents, et que le premier souffle de l’ouragan dispersera demain.

Que faire donc ? Où trouver sur ce terrain mouvant le point d’appui d’une résistance ? Lacordaire cherchait, regardant, suivant son habitude, en avant, jamais en arrière ; ne rêvant le retour d’aucune institution d’autrefois, ni noblesse, ni corporation d’aucune sorte ; ne demandant à l’égalité, si chère aux temps modernes, aucun sacrifice, sachant bien que c’est en fait d’institutions politiques surtout que le temps est avare et ne lâche jamais sa proie. « Jamais, écrivait-il à ce sujet dans le Mémoire adressé à la France pour le rétablissement des frères Prêcheurs, jamais le genre humain ne reculera vers le passé ; jamais il ne demandera secours aux vieilles constitutions aristocratiques, quelle que soit la pesanteur de ses maux. Mais, ajoutait-il, il cherchera dans les associations volontaires par le travail ou la religion le remède à la plaie dont il souffre. » C’était donc là son espoir. Voir s’élever parmi nous de libres associations formées d’hommes volontairement unis afin de poursuivre un même but, c’était là ce qu’il attendait de l’avenir pour subvenir aux maux du présent. Si des hommes tous égaux, pensait-il, ne peuvent être ni très-puissants, ni très-forts ; si la durée de leur action est bornée comme celle de leurs jours, une association d’hommes même égaux forme un faisceau de puissance et de force qui peut survivre à ceux qui le fondent. Le droit d’association légalement