Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/149

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reconnu, — sévèrement réglé, pour ne pas dégénérer en turbulentes réunions populaires, — mais librement pratiqué, lui paraissait donc la grande ressource d’une démocratie contre les alternatives tour à tour anarchiques et serviles qui la menacent, et, en se plaçant pour le revendiquer en dehors de la lettre d’une loi surannée, il croyait rendre service à l’État autant qu’à l’Église. Mais ce qu’il réclamait pour lui-même, il était prêt à le partager avec d’autres. Il ne demandait pour l’association qu’il inaugurait aucun droit qu’il ne voulût communiquer à toute autre cherchant comme lui une forme légale pour atteindre un but légitime. À lui, à ses frères dans la foi, était réservée la plus rude quoique la meilleure part à son gré : l’association sous la règle de la pauvreté volontaire et du sacrifice. Mais du même droit, une fois conquis, il entendait bien que d’autres pourraient également faire usage pour étendre les ressources de l’industrie et les découvertes de la science, pour introduire dans les lois quelque principe nouveau de liberté ou de bien public. Seulement il considérait que les unions formées pour des intérêts temporels sont nécessairement précaires, parce que l’intérêt divise aussi souvent qu’il unit, et parce que le temps emporte ce qu’on fait pour lui ; et il s’estimait heureux pour son compte que le lien qu’il avait contracté eût le dévouement pour principe et l’éternité pour fin.

Voilà ce que pensait Lacordaire, et il était seul alors à le penser. Je me trompe : un autre esprit, par d’autres chemins, était arrivé à la même conclusion, et il faut bien que vous me le laissiez nommer, dussé-je vous fatiguer par le retour d’un rapprochement que je retrouve à chaque pas et que vous-mêmes m’avez imposé.