Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/158

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pour un prêtre. Je ne puis pas partager cet avis. Quel est le reproche ordinaire que nous entendons faire au clergé catholique de nos jours ? n’est-ce pas d’être trop favorable au principe d’autorité, et, comme il l’a dans l’Église, de vouloir le mettre aussi dans l’État ? n’est-ce pas d’être trop souvent opposé aux idées et aux sentiments de nos institutions modernes ? Si donc il y a quelque part des prêtres profondément convaincus qu’ils peuvent aimer d’autant plus la liberté qu’ils n’ont pas à craindre la licence, étant appuyés sur l’autorité de l’Évangile, des prêtres qui pensent que l’esprit démocratique dans l’Église n’est qu’une expression confuse et généreuse des deux grands mystères chrétiens, Dieu naissant dans une crèche et mourant sur une croix, j’avoue que je ne suis pas assez conservateur pour m’éloigner de ces promoteurs des faibles et des petits ; j’avoue que j’aime ces prêtres qui ne condamnent aucune des grandes dates du monde moderne, mais qui les dépouillent de leur sens de guerre et de haine pour leur donner une signification pacifique et charitable.

La révolution française a aboli presque partout dans le vieux monde européen les contradictions que les inégalités et les prédominances sociales y suscitaient à la loi de l’Évangile. Mais, par une inconséquence singulière, la révolution a nié l’Évangile, en même temps qu’elle en faisait presque aveuglément la loi de l’État : de même que l’Église de nos jours a nié souvent la Révolution, au moment même où elle prêchait l’égalité par l’Évangile. Accuserai-je les prêtres qui ont compris ce singulier malentendu entre l’Église et l’État, et qui ont voulu le terminer, non en soumettant l’État à l’Église ou l’Église à l’État, mais en tâchant de les réconcilier, non point dans la faveur des cours, ou dans la dépendance des