Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/161

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sieurs ouvriers, et d’ouvriers ardents et patients comme l’était le Père Lacordaire.

Quel zèle infatigable en effet ! quelle activité de toutes les heures ! il ne s’est reposé que dans la mort ; et ce repos-là, que ceux qui ont supporté les labeurs de la vie appellent souvent dans leurs heures d’impatience, quitte à le détourner de leurs vœux, quand il s’approche, ce repos-là, jamais le Père Lacordaire ne l’a appelé, non qu’il craignît la mort, non qu’il ne l’ait acceptée de grand cœur quand Dieu la lui a envoyée. Le repos était, si j’ose le dire, ce qui lui déplaisait le plus dans la mort. Il était de cette race infatigable qui trouve que nous aurons bien le temps de nous reposer dans l’éternité, et qu’il ne faut jamais demander à Dieu d’abréger notre tâche, encore moins nous en plaindre. Vous vous souvenez, Monsieur, des belles paroles qui terminent sa lettre sur le Saint-Siège :

« Je me promenais, il y a peu de jours, dans la campagne de Rome, proche des catacombes de saint Laurent ; je me dirigeai vers un cimetière nouveau qu’on a creusé dans ce vieux cimetière, et je fus frappé à la porte par une inscription : Pleure sur le mort, parce qu’il s’est reposé. J’entrai en la méditant ; car que voulait-elle dire ? il ne me fut pas difficile de le comprendre : pleure sur le mort, parce qu’il s’est reposé de bien faire, parce que ses mains ne peuvent plus donner, ni ses pieds aller au-devant du malheur, parce que ses entrailles ne sont plus émues par la plainte ; pleure sur le mort, parce que le temps de la vertu est fini pour lui, parce qu’il n’ajoutera plus à sa couronne ; pleure sur le mort, parce qu’il ne peut plus mourir pour Dieu. Je roulai longtemps dans mon âme ces pensées qui étaient encore entretenues