Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/175

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vaux, et surtout à la fidélité aux mêmes pensées, le prix que vous ne refusez jamais à des qualités plus éminentes. Par une exception bien rare, cette noble récompense semble plus précieuse encore après avoir été obtenue, car les jouissances qu’elle apporte, supérieures aux passagères satisfactions de la vanité, s’appliquent à la vie tout entière. Entrer avec ses maîtres dans un commerce assidu où la familiarité n’ôte rien au respect, devenir le confrère de ceux dont on fut le disciple, quel stimulant plus vif pour l’intelligence, quelle joie plus durable pour le cœur !

De l’égalité solennellement proclamée entre l’éclat du talent et celui de la naissance sortit, un siècle et demi avant notre grande transformation politique, la seule institution qui ait triomphé de nos orages révolutionnaires, et qui, relevée par sa propre force, ait dominé toutes nos ruines. L’Académie française a conquis une influence toujours croissante, non qu’elle l’ait préparée par aucun effort, mais parce que l’œuvre de Richelieu, expression anticipée des temps nouveaux, participa dès l’origine à leur invincible puissance. Issue d’une heureuse inspiration du pouvoir illuminé par le génie, elle a reçu successivement, et comme par surcroît, des attributions qu’elle n’avait ni prévues ni souhaitées. De généreux donateurs l’ont mise en mesure d’étendre ses encouragements à toutes les parties de l’art d’écrire ; d’autres ont voulu que les appréciateurs du beau pussent être aussi les rémunérateurs du bien, et l’on a vu les dévouements modestes partager ici les récompenses si longtemps réservées aux talents les plus applaudis. L’Académie a pu exercer une sorte de ministère public, sans rien perdre de son caractère littéraire, ni de l’indépendance qui fait sa force et son honneur.