Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cet esprit arrivé à l’entière possession de lui-même. On était dans une de ces époques stationnaires qui suivent presque toujours les grandes découvertes : l’esprit humain se reposait sur ses conquêtes. Le moment était donc favorable pour donner au monde savant l’inventaire complet de tant de richesses, et M. Biot était bien l’écrivain désigné pour une pareille tâche. Plus généralisateur qu’inventeur, moins préoccupé des faits que des idées, il avait l’heureuse faculté de s’assimiler tous les résultats en les revêtant d’une forme qui les lui rendait propres. Mathématicien, astronome, physicien, chimiste, il se jouait dans le champ de la création, et semblait porter légèrement le poids de toutes ses merveilles.

La postérité commence plus tôt pour les hommes de science que pour les hommes d’État, car l’émotion est moins durable dans le conflit des idées que dans celui des intérêts. Une voix assez autorisée pour parler au nom des générations futures assignera bientôt à M. Biot, dans une autre enceinte, le rang qui lui appartient parmi les grands esprits de son siècle qui l’ont précédé dans la mort. Ne devançons pas cet arrêt, que nous pouvons d’ailleurs attendre avec confiance. Il y a sans doute certains noms à côté desquels on n’en saurait prononcer aucun autre. Kepler écoute l’harmonie des sphères et découvre les lois de leur concert sublime ; Newton ramène ces lois diverses au principe unique où se révèle la main de Dieu simple dans ses œuvres comme dans son essence ; Laplace réduit toute l’astronomie à un problème de mécanique ; et, domptant les planètes, jusqu’à lui réfractaires au calcul, « découvre dans « les cieux soumis, comme le disait ici son éloquent suc-