Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/198

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raires se font déjà remarquer dans cet Essai, sans laisser toutefois deviner ce que nous pouvons nommer aujourd’hui la vraie manière de l’écrivain. L’originalité se révèle davantage dans les comptes rendus écrits pour l’Académie des sciences, après les diverses missions accomplies en Espagne et en Italie ; mais c’est surtout dans le récit de son voyage aux îles Shetland que l’auteur s’empare puissamment de l’attention en encadrant l’exposé de ses travaux géodésiques dans un récit mêlé d’épisodes, qui devient pittoresque à force d’être vrai. On veut des romans : que ne regarde-t-on à l’histoire ? a dit un grand historien. On veut de la poésie : que ne fait-on de la science ? semble dire M. Biot dans l’écrit charmant consacré au pauvre archipel perdu aux extrémités du vaste empire britannique. À la description de roches colossales qu’il étiquette comme pour un cabinet de minéralogie, l’art de l’écrivain oppose le tableau des efforts heureux tentés par la volonté de l’homme, afin de triompher de l’aridité du sol et de l’inclémence du ciel. Ce duel engagé sous les glaces entre une nature sauvage et une civilisation personnifiée dans quelques intrépides représentants atteint parfois des proportions héroïques. De ce point ignoré au milieu des mers, où l’on n’entendit jamais, durant les longues guerres qui venaient d’ensanglanter le monde, ni le bruit du canon, ni le son du tambour, l’observation appartient à M. Biot, il passe avec une satisfaction mêlée de regrets dans la savante Écosse, pour décrire le mécanisme de ses écoles paroissiales avec l’exactitude administrative qu’y pourrait apporter un inspecteur général de l’Instruction primaire. Cette heureuse aptitude pour tout discerner et pour tout faire comprendre le constituait rapporteur et juge naturel