Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/208

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dans ses prétentions. Nous aimons à revoir dans cette galerie le roi chevalier qui, après avoir conquis son royaume l’épée à la main, sut le pacifier par sa clémence, mais qui ne put faire pardonner sa victoire par ces exécrables fanatiques auxquels il avait pardonné lui-même. C’est encore l’abbé Suger qui, pendant un demi-siècle, gouverna la France abandonnée et compromise par son roi Louis le Jeune, et qui sut, comme vous le dites, réaliser des projets devant lesquels des rois auraient reculé. C’est le grand Richelieu, l’illustre fondateur de notre Académie, qui termina la grande lutte de la féodalité contre la monarchie, et détruisit le dernier boulevard de la réforme, qui, égrenant pour ainsi dire la noblesse et le calvinisme, débarrassant la royauté des corps hétérogènes qui gênaient sa marche, la remit, malgré son roi lui-même, dans la plénitude de sa puissance, et consolida le trône du haut duquel Louis XIV devait rayonner sur l’Europe entière. Vous nous faites revoir encore cette figure narquoise de Louis XI, qui fut aussi un assez grand roi quoiqu’un fort méchant homme. Je n’aime pas plus que vous son fameux Tristan et son hypocrisie. Mais, comme je n’ai plus à les craindre, je peux faire honneur à sa mémoire d’avoir ajouté quatre provinces à son royaume sans les payer du sang de ses peuples.

Il est deux de ces figures que vous avez peintes avec amour : c’est d’abord votre compatriote Duguesclin qui rendit à la France le sentiment de sa force et de sa dignité. S’il inventa, comme vous l’affirmez, le cri de haine aux Anglais, il faut convenir qu’ils nous l’ont bien rendu. Je trouve même que leur rancune contre Duguesclin s’est un peu trop prolongée, car ce héros ne fut malheureusement qu’un brillant météore ; et la vengeance fut assez terrible pour atténuer la