Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/234

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temps dans un village voisin de Juilly ; il n’y est plus en sûreté et cherche à gagner la frontière ; mais après avoir erré pendant un mois dans les départements du Nord, de ferme en ferme et d’auberge en auberge, Mme Pasquier et lui sont arrêtés, ramenés à Paris et jetés le 8 thermidor dans la prison de Saint-Lazare. Ils trouvent dans cette salle d’attente de l’échafaud deux frères de Mme Pasquier et un frère de M. Pasquier, à peine sorti de l’enfance.

Le lendemain le bruit de la mort de Robespierre pénètre dans leur prison, et, avec ce bruit, quelque espérance de salut. Après des alternatives de sécurité et de crainte ils furent mis en liberté au bout de six semaines.

À la suite des journées qu’il venait de passer, partagées entre de poignantes douleurs et d’inexprimables angoisses, le premier usage que M. Pasquier fit de sa liberté fut de chercher la solitude. Toute la fortune de son père, toute celle qui devait revenir à Mme Pasquier étaient confisquées. Ils trouvèrent un asile modeste dans le petit village de Croissy, près Saint-Germain, et y passèrent trois années, les plus calmes de leur vie. Ils s’étaient rapprochés de quelques amis avec lesquels ils pouvaient échanger leurs souvenirs, les enseignements que tant d’épreuves leur avaient apportés, et leurs réflexions sur la marche des événements. M. Pasquier y rencontra même un abbé Désessart, qu’il avait eu pour professeur à Juilly, et qui, charmé de retrouver un de ses anciens élèves, le remit sur la voie des bonnes et fortes études.

On s’attendrait à le trouver profondément aigri par tant de malheurs. Mais, dans l’impartialité de son âme, il ne peut se dispenser de faire la part du bien dans tout ce