Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/241

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ai-je besoin de le dire ? qui pût s’emparer de M. Pasquier. Quelle conduite tenir lorsqu’un chef que l’on a loyalement servi est arrivé, de faute en faute, à la nécessité de déposer lui-même le pouvoir qu’il aurait pu conserver si glorieux ? On ne peut s’empêcher de louer ceux qui, rapprochés de l’empereur par de longues et intimes relations, lui restèrent attachés dans l’adversité. Je ne connais rien de plus beau, de plus touchant que les efforts persévérants, les démarches obstinées, suivies quelquefois d’humiliantes déceptions, de M. le duc de Vicence à tous les moments de cette crise qui fit descendre l’empereur du premier trône du monde à l’exil ; mais il eût été bien sévère d’exiger un dévouement aussi absolu de tous ceux qui avaient occupé des fonctions publiques sous l’empire, et un grand nombre d’hommes éminents par leurs vertus et leur haute capacité ont montré par leur conduite, qu’ils comprenaient autrement leur devoir. À moins d’être retenu par des affections personnelles, qui aurait pu, après ces épreuves successives de la liberté déréglée et du pouvoir absolu même confié aux mains les plus habiles, refuser de concourir à l’essai de la liberté réglée par les institutions, et du pouvoir limité par les lois ?

M. Pasquier regarda comme un commencement d’abdication le départ, au 29 et 30 mars, de la famille impériale, laissant Paris avec les hauts dignitaires de l’empire, les ministres, le conseil d’État, pour aller chercher à Blois plus de sécurité. Ce départ était une fuite ; ainsi le comprirent à Paris les classes populaires ; ainsi le préfet de police, qui s’y opposa autant qu’il le put. Le ministre de la police lui dit : « Je pars avec tous les ministres. Vous restez ici, et êtes ainsi le mattre de faire ce que bon vous semblera. »