Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/278

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et de plus près étaient singulièrement frappés de ce développement suprême de sa modération, de sa douceur, de sa bonté ; plus d’une fois, s’en entretenant ensemble, ils lui ont fait l’application du vers charmant où Horace, interrogeant un de ses amis sur l’état de son âme, lui demande si l’âge qui s’avance le rend plus doux et meilleur :

Lenior et melior fis accedente senecta ?

L’image de cette vieillesse aimable ne paraîtrait pas complète à ceux qui ont pu la connaître et l’aimer, si je négligeais d’ajouter que, malgré son progressif apaisement, M. Pasquier se laissait quelquefois aller à des éclats d’une vivacité toute juvénile, quand l’entretien mettait en cause des principes qui lui étaient chers ou qu’il réprouvait, des actes et des hommes pour lesquels il professait ou de l’estime ou du mépris. En certaines matières, où étaient engagées de longue date ses convictions intimes, il ne souffrait guère la contradiction ; il s’échauffait, s’impatientait ; qu’on me permette la familiarité de l’expression, il grondait. Oui, ses plus vieux amis, qui ne semblaient auprès de lui que des enfants, il ne se faisait pas faute de les gronder, avec l’emportement permis à l’autorité paternelle, et qu’il corrigeait aussitôt, en père, par les témoignages délicats d’une tendre affection.

La vieillesse est généralement portée à se désintéresser du présent ; on ne saurait l’en blâmer, en ces temps surtout d’instabilité et de fatigue sociale, où un tel détachement ne lui est rendu que trop facile. M. Pasquier n’abusa point, je m’exprime mal, il n’usa point du droit qui lui eût appartenu plus qu’à tout autre de se réfugier dans la contemplation