Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/279

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paisible du passé. Ce siècle, auquel s’étaient presque égalées ses années, où s’étaient offertes tant d’occasions d’exercer ses passions généreuses, il en avait été, de tout temps, même dans l’action, le spectateur attentif, le juge pénétrant et intègre ; toujours sur la scène ou dans la confidence des principaux acteurs de nos drames politiques, rien n’avait pu échapper à l’ardeur de ses informations, à la justesse de ses appréciations, rien ne s’était dérobé à la sûreté de sa mémoire ; il avait gardé des hommes et des choses une multitude de souvenirs d’une exactitude, d’une précision merveilleuse, inépuisable matière de véridiques mémoires destinés à l’avenir, et qui, je l’ai déjà dit, on m’excusera de répéter ce qu’a constamment reproduit le cours d’une longue vie, se répandant avec abondance dans ses entretiens, leur communiquaient un saisissant, un vivant intérêt. Avec tant de raisons de ramener volontiers sa pensée en arrière, M. Pasquier n’a jamais cessé de vivre dans son temps ; il a eu, jusqu’au bout, pour les choses du moment, de l’attention, et, ce qui est rare à un tel âge, de la mémoire ; il a eu surtout de l’intérêt, l’intérêt d’un bon citoyen, qui ne regarde pas comme lui devenant étrangères les destinées d’une patrie prête à lui échapper.

M. Pasquier n’a point connu une autre sorte de découragement, celui de ces esprits retirés auxquels il semble que le temps d’acquérir des connaissances est désormais passé pour eux : il n’a jamais cessé d’apprendre. Il avait commencé de bonne heure, et c’est peut-être à ses assidues et fortes lectures, sa seconde et véritable éducation, qu’on doit attribuer en partie la facilité de discussion qu’il apporta avant tous aux débats de notre régime parlementaire. Il les a continuées