Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/303

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toutes les grandes assemblées où l’éloquence fut en honneur, et depuis les luttes de l’Agora et du Forum jusqu’à nos paisibles réunions, l’art de bien dire n’a été si haut prisé que pour l’intime union qu’on lui suppose avec la volonté de bien faire.

Épris des nobles espérances de son siècle, M. de Montyon ne rêvait pas de bonheur pour l’homme en dehors de ce qui fait sa grandeur ; l’intelligence était à ses yeux un ressort nécessaire de la vertu ; ceux qui consacrent leur vie à la beauté littéraire lui semblaient les juges naturels de la beauté morale.

N’était-ce là qu’une illusion de sa philanthropie ? Et si sa double fondation n’a rien ajouté en France à la fécondité du bien, n’a-t-elle rien fait pour l’heureuse direction des lettres en associant aux mêmes honneurs les bonnes actions et les bons écrits ? Les humbles vertus sont d’un heureux voisinage pour les talents illustres. Le parfum de ces couronnes décernées à l’abnégation, au courage, à l’infatigable charité se communique aux récompenses qu’obtiennent ici les beaux livres, et leur apporte un gage de pureté, d’élévation et de noblesse.

Quel que soit le rang de l’Académie dans la société européenne, c’est peut-être par les prix qu’elle accorde à d’obscurs dévouements exercés sous l’œil de Dieu et dans l’ignorance absolue de la vaine gloire, que son action se fait sentir et se fait aimer le plus loin dans toutes les classes de la société française. Chaque année, dans quelque hameau perdu de nos montagnes, dans quelque sombre faubourg de nos villes, où les écrits les plus célèbres n’ont pas pénétré, une couronne, objet d’orgueil pour tout le pays, vient unir