Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/308

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privations qu’ingénieux dans l’économie, tout ce qu’il a pu épargner est allé grossir ce budget des pauvres ; il a même engagé son avenir. C’est ainsi qu’il est parvenu à verser, pour lui seul, plus de cinquante mille francs dans ces établissements divers. Sa charité est inventive comme toutes les grandes passions ; il fait argent pour les pauvres de tout ce qu’il possède, et le moindre cadeau se transforme en quelque chose d’utile pour ses orphelins. Un jour, des personnes aisées voulant reconnaître les soins qu’il avait donnés à l’instruction religieuse de leurs enfants, consultèrent la vieille gouvernante du pasteur pour savoir ce qui serait le plus agréable à son maître. « Ne lui offrez rien, dit-elle, qui puisse être vendu ; mais, tenez, il a une soutane, si mauvaise qu’elle va tomber en morceaux, mettons-en une neuve à la place ; il sera bien forcé de la prendre, et, au moins, cet hiver, il sera vêtu. » Si mince que soit la dépense de sa nourriture au presbytère, elle lui paraît encore un luxe excessif ; il la supprime et va vivre à l’orphelinat de la ration ordinaire de ses pauvres filles.

Se faire pauvre avec les pauvres, frère et père des orphelins, n’est-ce pas là dans sa plus touchante sublimité la charité de l’Évangile ? « Vendez votre bien, distribuez-en le prix aux indigents et suivez-moi. » L’abbé Soret a entendu cette parole du Christ, sa vie tout entière lui répond. La récompense de ce qui est fait pour Dieu n’est pas dans nos mains, Messieurs ; mais nous pouvons, du moins, témoigner, au nom des hommes, de l’éclatante estime que méritent de pareilles œuvres. L’Académie veut les honorer et sait en même temps qu’elle s’associe à ces heureuses fondations en décernant à M. l’abbé Soret un prix de trois mille francs.