Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/312

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fants sur le produit de son travail et de ses rudes privations, et vend tout ce qu’elle possède pour procurer à l’un d’eux une éducation libérale.

Il est certaines âmes dévouées à qui ne suffisent point les privations et le labeur. On dirait qu’elles ne se trouvent pas quittes du devoir, si, à leur charité pour ceux qui souffrent, elles ne joignent une souffrance pour elles-mêmes et une victoire remportée sur les répugnances de la nature. C’est là le mobile de ces admirables sœurs que nos armées et nos ennemis eux-mêmes ont tant admirées au milieu des fléaux de la peste et de la guerre. Merveilleux dévouement de ces saintes filles, chrétien dans son essence et qui semble aussi particulièrement français, tant nos femmes et nos religieuses françaises ont surpassé en ce genre les autres femmes chrétiennes ! Telle est la vie que, sans appartenir à aucun ordre, mène encore, à soixante-deux ans, Anne Lahousse, pauvre ouvrière de Mézidon, dans le Calvados, qui s’est faite dans sa commune la mère des enfants abandonnés, la providence des malades sans secours ; qui, à diverses reprises, a donné sa propre chambre pour asile à des malheureuses atteintes des infirmités les plus repoussantes, que nul n’osait approcher et qu’elle soignait avec l’ingénieuse douceur d’une fille ou d’une mère.

Deux sœurs, jeunes encore, ont obtenu la troisième médaille de mille francs pour une œuvre de dévouement continuée déjà depuis douze années avec autant d’intelligence que d’infatigable travail. Leur généreuse initiative a créé dans une grande ville un établissement nécessaire et qui lui manquait encore malgré sa richesse et son éclatante charité. Mlles  Louise et Hélène Frachon, d’une famille hono-