Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/324

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pauvreté, en leur nom, au nom des classes élevées et éclairées dont nous espérons à la fois éveiller et exprimer la sympathie.

Ici même, dans l’enceinte consacrée à ces grandes solennités intellectuelles de notre pays, où se presse une affluence chaque fois plus grande et plus avide d’émotions, où la gloire littéraire vient décorer ses élus de sa plus séduisante parure, où s’exerce et se maintient ce qu’on appelait du temps de M. de Montyon la magistrature de la pensée et l’aristocratie de l’esprit, nous venons, moins nombreux mais non moins attentifs, proclamer la supériorité de la vertu sur le talent, et incliner toutes les conquêtes de l’intelligence devant les exploits ignorés des cœurs simples et bons.

En nous faisant l’écho des acclamations populaires qui ont quelquefois retenti, mais dans une sphère bien restreinte, autour de quelques âmes d’élite ; en attirant sur elles les regards des indifférents, nous jouissons, non pour eux, mais pour nous, de pouvoir élever sur le pavois de la publicité d’honnêtes gens obscurs, hier encore inconnus, demain oubliés, ce qu’on appelle de braves gens, selon cet admirable idiotisme de la langue française, qui qualifie de même ce qui nous éblouit et ce qui nous édifie, le courage et la vertu.

Ces braves gens nous sont signalés, dénoncés, amenés par des juges compétents et éclairés, impartiaux et désintéressés, par les administrateurs, les pasteurs, les magistrats, qui ont été les témoins, les voisins, quelquefois peut-être les auxiliaires de leurs bonnes œuvres. Un examen scrupuleux garantit, non pas certes l’infaillibilité, mais la consciencieuse sincérité de notre jugement.