Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/338

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tinction pour Jean-Baptiste Ferry[1], prématurément vieilli par les fatigues et les privations qu’il s’est imposées pour subvenir aux besoins des aliénés, des blessés, des voyageurs égarés, des prisonniers pour dettes, qu’il a rencontrés sur son chemin. Une générosité plus rare encore a attiré notre attention sur Rose Barre, sage-femme à Arvert (Charente-Inférieure)[2], qui prodigue à la pauvreté souffrante tout ce qu’elle gagne auprès des riches, qu’on a vue se dépouiller de ses meilleurs vêtements pour en couvrir des mères, à moitié nues, et dont les soins ont deux fois sauvé la vie à une lépreuse, que sa cruelle infirmité avait fait abandonner de tous, même de sa propre mère.

C’est au contraire le sentiment des devoirs de la famille, poussé jusqu’à la plus exquise délicatesse, qui nous a paru mériter la dernière médaille dont nous ayons à vous parler. Jean Blanchot, simple artisan à Provins, déjà chargé de soutenir par son labeur journalier sa femme infirme, ses deux enfants et son beau-père malade, ne s’en est pas tenu là ; il s’est cru obligé de recueillir, de nourrir et d’élever la fille naturelle de sa belle-sœur, morte en donnant le jour à cette enfant que son père avait abandonnée. Blanchot prodigue à cette pauvre orpheline les soins paternels et maternels qui lui manquaient à la fois ; il la soustrait, par ses sacrifices quotidiens, à de cruelles maladies et à la plus cruelle de toutes les infirmités, car elle était menacée de devenir aveugle. Il finit par toucher le cœur du père de l’infortunée,

  1. À la Forge (Vosges), âgé de soixante et un ans.
  2. Âgée de cinquante et un ans.