Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/358

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victimes qu’elles pardonnassent à leur tour à ceux qui les envoyaient à la mort. Un jour, en Piémont, ce fut un des vaincus des troubles politiques du pays qui monta sur le trône, et Mlle Guittaud vint lui demander la grâce d’un officier condamné à mort pour acte d’indiscipline. Cette grâce avait été refusée à tout le monde ; le roi Charles-Albert l’accorda à Mlle Guittaud, et fit mettre dans les lettres patentes que, « voulant donner à Mlle Guittaud une preuve sensible et manifeste de sa satisfaction souveraine, il accordait à ses vertus et à sa charité vraiment chrétienne la commutation qu’aucune autre recommandation ne pouvait obtenir. » Ces paroles font honneur au prince et à Mlle Guittaud.

Ce n’est pas la seule fois que le roi Charles-Albert témoignait sa déférence pour les vertus de Mlle Guittaud. Désespérée de l’état où elle avait trouvé les prisons de Chambéry, elle en avait entrepris la réforme, et, avec l’aide d’un pieux et savant magistrat, elle avait fait un règlement que le roi consacra par son approbation. En 1851, Mlle Guittaud étant reçue à Rome par Pie IX, lui raconta, sur sa demande, ce qu’elle avait fait pour les prisons de Chambéry. Le pape la pria alors de visiter les prisons de Rome, et, sur le rapport qu’elle lui en fit, introduisit dans ces prisons la même tenue, le même ordre, le même règlement que dans les prisons de Chambéry.

Rien ne me semble plus beau et plus juste que ces déférences de l’autorité publique à ces autorités privées et toutes personnelles, qui ne prennent leur pouvoir qu’en elles-mêmes et dans l’efficacité communicative de leurs sentiments.

M. l’abbé Remy, qui a fondé à Saint-Aile, près Rebaix, dans Seine-et-Marne, un orphelinat agricole, et qui y a con-