Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/359

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sacré sa fortune tout entière, est aussi un de ces pouvoirs privés qui se créent dans la société par la vitalité inépuisable de la foi et de la charité chrétiennes. Je suis persuadé que ces pouvoirs individuels qui ont la véritable grandeur, celle de l’âme, ont une part considérable dans la vie de la société française. Nous n’avons pas seulement besoin d’être administrés et gouvernés : nous avons aussi besoin d’être soutenus, consolés, édifiés ; nous avons besoin d’être encouragés au bien, d’être désenchantés du mal, et c’est l’office mystérieux de tous ces pouvoirs salutaires répandus çà et là dans la société, en dehors de toute organisation et de toute hiérarchie administrative. Ce qu’ils font de bien, ce qu’ils préviennent de mal, doit compter parmi les moyens de salut de la société, parmi les causes de sa vie ; et quand, avertie de l’existence d’un de ces pouvoirs, l’Académie lui décerne, au nom de M. de Montyon, une de ces récompenses qui sont employées à continuer le bien commencé, nous sommes convaincus que nous ne faisons en cela qu’exprimer la juste reconnaissance du pays.

Le public voit, par le résumé que je viens de faire des conversations de l’Académie sur les prix de M. de Montyon, que les diverses formes du dévouement et de la vertu sont fort sérieusement débattues dans nos entretiens, et que chaque forme a parmi nous ses partisans. Nous nous reprochons même mutuellement l’exagération de nos préférences. Ceux d’entre nous qui aiment les vertus patientes et obscures, les vertus qui luttent sans se lasser contre les épreuves de la vie, contre les leurs, et surtout contre celles du prochain, ceux-là s’entendent accuser d’imposer au dévouement un niveau trop régulier et de ne pas faire leur part légitime