Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/378

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penses dans ces sanctuaires de la charité féminine dont les plus illustres s’abritent sous le nom chrétien et français de Vincent de Paul. Admirer, couronner, remarquer même une sœur de charité pour sa vertu et ses sacrifices, ce serait manquer à la lettre comme à l’esprit de l’institution. C’est l’honneur de ces pieuses filles que toutes les règles du jugement ordinaire soient renversées pour elles, que ce qui ailleurs est exception, là devienne coutume, que l’extraordinaire n’y cause point de surprise et que le surnaturel sous leur main prenne la régularité de la nature.

Nous pourrions continuer cette énumération, et, en abusant de votre temps, nous ne lasserions pas votre patience. Chacune des six médailles de mille francs et des douze de cinq cents francs qui complètent les distributions faites par l’Académie donnerait lieu à quelque récit intéressant du même genre et qui échapperait, j’en suis sûr, au reproche de monotonie. Au contraire, ce que nous aimerions à vous faire remarquer si nous pouvions descendre avec vous dans ce détail, c’est précisément le trait d’originalité personnelle qui distingue même dans l’ombre où leur humilité les retient, chacune des physionomies de nos modestes héros. Bien que nés dans la même condition, bien qu’un même sentiment les anime, pas un ne ressemble à l’autre, et par une raison très-simple, c’est que pas un n’a imité l’autre. Une seule chose leur est commune, la spontanéité du dévouement. Aucun modèle, aucun conseil, aucun appui ne les a ni attirés, ni engagés, ni soutenus dans la voie ardue où ils se sont précipités par un élan d’héroïsme ou lentement avancés par cinquante années de persévérants efforts. Plus d’une fois, au contraire, j’en suis sûr, il leur a fallu bra-