Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/392

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1806, sur la paroisse de l’Assomption, a aujourd’hui tout près de soixante ans. Elle perdit son père de bonne heure : sa mère était infirme. Il y avait quatre enfants en bas âge ; elle était l’aînée, et elle se dit que c’était à elle de faire l’office de chef de famille, de s’occuper de ses frère et sœurs, de les élever : elle le fit si bien et avec tant de suite, que bientôt elle n’était connue dans le quartier que sous le nom de la petite mère, « Chacun était émerveillé de voir cette enfant en élever d’autres, et s’improviser mère à l’âge où l’on est à peine une jeune fille. »

La baronne Pasquier, épouse de notre illustre et respecté confrère, laquelle demeurait alors rue d’Anjou, eut l’idée de recourir à la jeune fille pour les bonnes œuvres qu’elle pratiquait. Cette dame charitable se servait beaucoup de Félicité Barilliet « pour lui garder ses pauvres », pour lui veiller ses malades. Mme Navier a commencé, dès l’âge de douze ans, ce ministère de veilleuse. D’autres personnes de bien imitèrent la baronne Pasquier, et virent dans la jeune fille un auxiliaire tout trouvé de leur bienfaisance. C’est ainsi qu’on s’explique que Mme Navier, portée à la charité, ait pris de plus en plus le goût, l’habitude, le besoin des bonnes œuvres. Rencontrant autour d’elle des âmes généreuses qui lui fournissaient les occasions et les moyens, elle se prodiguait elle-même de sa personne avec dévouement. En peu d’années, la première impulsion était devenue une habitude, une direction constante, une nécessité : nous cherchons bien des noms à ce que les chrétiens appellent d’un mot abrégé, une grâce. Veiller les nuits, élever et recueillir chez elle des orphelins, se charger de fardeaux disproportionnés, et les porter à bon port sans fléchir, ce fut sa manière d’être. Elle