Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/428

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zières, que là Shakspeare s’est peint lui-même, et faut-il lui attribuer les traits de quelques-uns de ses personnages ? Ce mode de biographie personnelle a semblé fort douteux. L’homme de génie invente des caractères qui ne sont pas la copie du sien, mais qu’il prend à toute l’humanité. L’Académie n’en a pas moins apprécié dans l’ouvrage de M. Mézières la justesse du sens, la variété des vues et le talent d’écrire. On reconnaît un esprit français de notre temps, un esprit distingué qui s’est rendu familier, par l’étude, un autre siècle, un autre pays, et les juge d’autant mieux qu’il est sans prévention d’école et ne porte pas de parti pris dans le culte de la libre imagination.

Près de ce livre qui n’occupe l’esprit que de la vérité dans l’art, de la puissance du génie pour deviner l’histoire, de la durée immortelle des œuvres, où brille quelque image du Beau, l’Académie a placé un livre d’utilité pratique, sous une sanction plus haute. La publicité du Collège de France avait éprouvé et recommandait les leçons d’économie politique de M. Baudrillart. Celles qu’il a réunies sous ce titre : Des Rapports de la morale et de l’économie politique, ont paru, par la théorie comme par les détails, offrir le plus pur et le plus utile enseignement. Dans ce livre, l’inventeur même du système utilitaire, Bentham, est pris sur le fait d’avoir été un des hommes les meilleurs et les plus vertueux de son temps ; et son édifiante biographie achève la réfutation scientifique de quelques-unes de ses erreurs spéculatives. On le voit par cet exemple et dans tout l’ouvrage de M. Baudrillart : c’est toujours le principe du droit naturel, la famille et les sentiments qu’elle inspire, le travail et ses effets sur l’âme du travailleur, la propriété et ses devoirs de vigilance et de charité,