Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/613

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Criant : Meurs ! pille ! tue ! et frappant au hasard.
Mon savant s’ennuya bientôt de ce tapage,
Et, du casque fatal lui dépouillant le front,
D’un tricorne à grands bords coiffa le rodomont.
Mon singe prit alors l’air d’un saint personnage,
Le cou tors, l’œil baissé, le regard patelin.
Mais, à l’aspect d’un portrait de Calvin,
Il recule d’horreur, pousse des cris de rage.
Appelle des archers, des bourreaux, et pourquoi ?
C’est que le vieux tricorne était un héritage
Du jésuite Tellier, confesseur du grand roi.
Aux cris de l’antiquaire il le jette à la hâte ;
Mais il prend par malheur la toque d’avocat
Que portait à Clermont le célèbre Domat,
Et parle, parle, parle à se rompre la rate.
Puis, croyant la remettre en son premier état,
Il ceint, au lieu de toque, un bonnet écarlate.
Le maladroit ! c’était le bonnet de Marat.
Dans les rois et les grands il ne voit que des traîtres.
Dévoue à l’échafaud les riches et les prêtres.
Crie à l’aristocrate, au suspect, au brigand.
Au réfractaire, à l’émigrant.
Mon savant, cette fois en perdit patience.
Saisit un bonnet de coton
Pris sur Jacques Bonhomme au pied de sa potence,
En couvrit du braillard la nuque et le menton,
Et le singe endormi garde enfin le silence.
Vous qu’ont endoctrinés ou Gall ou Lavater,
Qui jugez les humains de ce siècle de fer
Sur le crâne ou sur la figure ;