Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/619

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Et des renards parfois condamnait le tapage ;
Mais il ne rencontrait dans les yeux du lion
Que du dépit et de la rage.
Vous devinez que, grâce au bon plaisir,
Chaque jour des renards vit croître la fortune ;
Mais tout ce qui commence est sujet à finir,
Et les rois sont soumis à cette loi commune.
J’abrège mon histoire et cours au dénoûment.
Par le plomb d’un chasseur blessé mortellement,
Mon lion à la nuit dut une heure de vie,
Et put dans les forêts cacher son agonie.
Qui le suivit ? Les renards ? Non, vraiment.
Ils allaient étourdir de leur bruyant hommage
Le futur possesseur du royal héritage.
C’était le chien, qu’à son dernier moment
Mon lion rougissait d’avoir pu méconnaître.
« Pardonne, » disait-il, <« à ton injuste maître.
« Je te jure, si j’en reviens,
« Que tu seras comblé de faveurs et de biens, »
L’aurait-il fait s’il eût vécu ? Peut-être ;
Mais le bon chien n’y pensait pas.
Il répondait, en léchant la blessure :
« L’amitié qu’on affiche avec tant de fracas
« Pour les grands et les potentats,
« N’est ni sincère ni bien sûre. »