Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/637

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AGNÈS.

De tous vos maux sans crainte ouvrez-moi le mystère.

INGEBURGE.

Vous frémiriez d’horreur si je les disais tous !
D’où me vient ce sordide aspect ? Le savez-vous ?
De ce que pièce à pièce il m’a fallu tout vendre
Pour payer la pitié de mes gardiens ! pour rendre,
Mes besoins moins cruels ! pour m’acheter du pain !
Oui ! la reine de France a souffert de la faim !

AGNÈS, (avec un cri terrible).

Ingeburge !

INGEBURGE.

Hé bien !… oui !… C’est moi ! Je suis la Reine !

AGNÈS.

Vous !

INGEBURGE.

Cette mendiante est votre souveraine !

AGNÈS, (éperdue).

Ingeburge ! Ingeburge ! en cet horrible lieu !
Réduite au dénûment ! Souffrant… souffrant… grand Dieu !.
La faim !

INGEBURGE.

Ah ! de mes maux c’est là le moins funeste !
Quand tout nous abandonne, au moins le ciel nous reste !
Ils m’ont ravi le ciel ! Depuis deux ans j’ai faim
Et du pain de la terre et du céleste pain !