Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/684

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server du péril. Il a raison selon la fable, et je ne veux pas dire que ces conseils de prudence n’aient pas leur à-propos et leur utilité ; mais quoi ! l’indignation contre le mal, la colère contre l’injustice, la force de la conscience luttant contre l’iniquité, ne sont-ce pas là aussi de bons sentiments et dignes d’être encouragés par les préceptes de la sagesse antique ? À côté de la prudence, qui dit aux faibles : Cédez ! n’y a-t-il pas une sagesse plus haute, qui dit aux justes, même quand ils sont faibles : Luttez ! qui, à l’aide de la religion et des lois, prescrit aux puissants le respect des faibles, et qui enseigne

Que les rois dans le ciel ont un juge sévère,
L’innocence un vengeur et l’orphelin un père[1] ?

Je sais bien que cette sagesse qui dit aux forts de se maîtriser, plutôt qu’aux faibles de se résigner, n’a jamais pu prévaloir dans le monde et rendre inutile l’humble et timide sagesse des fables. Le fonds de malheurs et de désordre qui se trouve dans l’histoire de l’humanité a toujours fait l’utilité et la popularité de la fable.

Parlant des apologues de l’Orient, je ne puis passer sous silence les grandes et belles paraboles de l’Ancien et du Nouveau Testament. Je prendrai quelques-unes de ces paraboles, celles surtout qui se rapprochent le plus du genre de la fable.

Vous savez que nous avons deux poches et deux besaces : la poche de derrière, où nous mettons tous nos défauts, et celle de devant, où nous mettons les défauts d’autrui.

  1. Athalie, scène dernière.