Page:Académie française - Recueil des discours, 1880-1889, 1re partie, 1885.djvu/339

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mon présent en essayant de m’établir médecin. » Quelque insistance qu’on fît auprès de lui, il s’obstina dans son refus et se mit courageusement à gagner sa vie et celle de sa mère en donnant des leçons de langues étrangères, de mathématiques même, car, avant d’entrer chez le comte Daru, il avait eu un instant l’idée de se préparer aux examens de l’École Polytechnique.

« Au commencement de l’année 1831, la bise était venue, c’est M. Littré lui-même qui parle, je me trouvais fort dépourvu et je cherchais des occupations. Le Dr Campaignac, un de mes camarades d’études médicales qui était médecin d’Armand Carrel, me recommanda à lui. Carrel me fit entrer dans la rédaction du National. » Chargé du rôle modeste de traducteur des journaux allemands et anglais, M. Littré resta dans cette situation pendant plus de trois années, sans rien faire pour en sortir. « J’étais heureux, dit-il, j’avais libres les matinées que j’employais à suivre l’hôpital et je passais mes soirées dans d’autres études diverses. »

Le hasard porte quelquefois en avant ceux que la modestie retient en arrière. Le beau discours sur la philosophie naturelle, de William Herschel, fils de l’illustre astronome de ce nom, venait de paraître. M. Littré, dans le National du 14 février 1835, en fit une analyse témoignant d’une science et d’une pénétration si profondes qu’Armand Carrel, enfermé alors à Sainte-Pélagie pour délit politique, écrivit à la mère de M. Littré une lettre remplie d’affection et d’éloges pour son fils. « C’est à vous, madame, disait-il, que je veux faire compliment de l’admirable morceau qu’Émile nous a donné ce matin, dans