Page:Académie française - Recueil des discours, 1880-1889, 1re partie, 1885.djvu/354

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ses propres raisonnements, se révèle une considérable lacune, et je suis surpris que la sagacité de M. Littré ne l’ait pas mise en lumière.

A maintes reprises, il définit ainsi le positivisme envisagé au point de vue pratique : « Je nomme positivisme tout ce qui se fait dans la société pour l’organiser suivant la conception positive, c’est-à-dire scientifique du monde. »

Je suis prêt à accepter cette définition, à la condition qu’il en soit fait une application rigoureuse ; mais la grande et visible lacune du système consiste en ce que, dans la conception positive du monde, il ne tient pas compte de la plus importante des notions positives, celle de l’infini.

Au delà de cette voûte étoilée, qu’y a-t-il ? De nouveaux cieux étoilés. Soit ! Et au delà ? L’esprit humain poussé par une force invincible ne cessera jamais de se demander : Qu’y a-t-il au delà ? Veut-il s’arrêter soit dans le temps, soit dans l’espace ? Comme le point où il s’arrête n’est qu’une grandeur finie, plus grande seulement que toutes celles qui l’ont précédée, à peine commence-t-il à l’envisager, que revient l’implacable question et toujours, sans qu’il puisse faire taire le cri de sa curiosité. Il ne sert de rien de répondre : au delà sont des espaces, des temps ou des grandeurs sans limites. Nul ne comprend ces paroles. Celui qui proclame l’existence de l’infini, et personne ne peut y échapper, accumule dans cette affirmation plus de surnaturel qu’il n’y en a dans tous les miracles de toutes les religions ; car la notion de l’infini a ce double caractère de s’imposer et d’être incompréhensible. Quand cette notion s’empare de l’entendement, il n’y a qu’à se prosterner.