Page:Académie française - Recueil des discours, 1880-1889, 1re partie, 1885.djvu/355

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Encore, à ce moment de poignantes angoisses, il faut demander grâce à sa raison : tous les ressorts de la vie intellectuelle menacent de se détendre ; on se sent près d’être saisi par la sublime folie de Pascal. Cette notion positive et primordiale, le positivisme l’écarte gratuitement, elle et toutes ses conséquences dans la vie des sociétés.

La notion de l’infini dans le monde, j’en vois partout l’inévitable expression. Par elle, le surnaturel est au fond de tous les cœurs. L’idée de Dieu est une forme de l’idée de l’infini. Tant que le mystère de l’infini pèsera sur la pensée humaine, des temples seront élevés au culte de l’infini, que le Dieu s’appelle Brahma, Allah, Jéhova ou Jésus. Et sur la dalle de ces temples vous verrez des hommes agenouillés, prosternés, abîmés dans la pensée de l’infini. La métaphysique ne fait que traduire au dedans de nous la notion dominatrice de l’infini. La conception de l’idéal n’est-elle pas encore la faculté, reflet de l’infini, qui, en présence de la beauté, nous porte à imaginer une beauté supérieure ? La science et la passion de comprendre sont-elles autre chose que l’effet de l’aiguillon du savoir que met en notre âme le mystère de l’Univers ? Où sont les vraies sources de la dignité humaine, de la liberté et de la démocratie moderne, sinon dans la notion de l’infini devant laquelle tous les hommes sont égaux ?

« Il faut un lien spirituel à l’humanité, dit M. Littré, faute de quoi il n’y aurait dans la société que des familles isolées, des hordes