Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 1re partie, 1895.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un intérêt qui pourrait être dangereux pour des têtes jeunes, lorsque ce sont de perverses charmeuses comme l’amante de M. de Camors, — ou surtout comme cette Julia de Trécœur, que je me souviens d’avoir quelque peu aimée d’amour, vers mes vingt ans.

Lorsqu’un écrivain met son talent, ses dons rares au service d’une thèse morale qui lui tient au cœur, si, en outre, cette thèse est excellente et s’il trouve moyen de la défendre dans vingt volumes sans cesser un instant de charmer, il me paraît que cela crée pour lui une supériorité sur ceux qui charment peut-être mais qui ne prouvent rien ; — une supériorité, par exemple, sur celui qui parle en ce moment et qui, sans jamais essayer de rien conclure, n’a su que chanter son admiration épouvantée devant l’immensité changeante du monde, ou jeter son cri de révolte et de détresse devant la mort…

Et, ce qui est encore plus à la gloire d’Octave Feuillet, c’est que, cette thèse à laquelle il a consacré sa vie, il réussit à la prouver, au moins dans une surprenante mesure et autant qu’une chose de morale peut être prouvée, à notre époque où tout chancelle. Son long plaidoyer en faveur de la femme du monde, contre l’homme du monde son mari, arrive à nous convaincre sans que nous en ayons eu conscience, attendris ou amusés que nous étions, en l’écoutant, par quelque conte toujours délicieux.

Dans Un mariage dans le monde, Mme de Loris écrit à M. de Rias : « Le mariage est une entreprise qui promet d’inestimables bénéfices ; mais il y a un cahier des charges. L’aviez-vous lu, Monsieur ? Je crains que non, car vous y auriez vu qu’une grande part de l’éducation de la femme