Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/179

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ville Ivanhoë et Quentin Durward que le bénévole conservateur lui prêtait pendant les heures de classe. Il aurait pu faire de moins bonnes lectures, car cinquante ans plus tard il relisait encore Walter Scott qu’il plaçait tout à fait au premier rang des romanciers et même des historiens. C’était d’ailleurs l’avis d’Augustin Thierry. Leconte de Lisle aimait beaucoup aussi les romans d’aventures de celui que l’on appellerait le grand Dumas si, dans ce cas unique, l’épithète n’impliquait confusion de personnes.

Très jeune, il lut donc Walter Scott, mais il lut aussi Victor Hugo. Il a dit avec une suprême éloquence quelle révélation furent pour lui les Orientales : « Ce fut comme une immense et brusque clarté illuminant la mer, les montagnes, les bois, la nature de mon pays dont, jusqu’alors, je n’avais entrevu la beauté et le charme étrange que dans les sensations confuses et inconscientes de l’enfance ». Dès ce jour, Leconte de Lisle comprit la poésie, ses enchantements, sa vertu et son objet. Il eut comme la divination de cette parole de Shelley : « La poésie nous force à sentir ce que nous percevons et à imaginer ce que nous connaissons. Elle crée à nouveau l’univers ».

M. Leconte de Lisle père ne voyait pas la nécessité que son fils créât à nouveau l’univers. En 1839, le jeune homme fut envoyé à Rennes pour y faire son droit [1]. Il y fonda une revue littéraire. Le titre n’avait rien de romantique, ni de poétique, ni de philosophique, ni de quoi que ce fût.

  1. Leconte de Lisle était déjà venu à Rennes en 1835, pour y terminer ses études et y passer son baccalauréat.