Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/203

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d’une source moins accessible à tout le monde, et moins trouble, et plus haute. Pareillement, si les romantiques, on général, et à l’exception d’un ou deux... mettons trois ! avaient affecté de dédaigner la correction, la pureté, la beauté de la forme, ou si même ils n’avaient pas craint de célébrer le prix de la laideur dans l’art, les Poèmes antiques et les Poèmes barbares leur sont venus rappeler, à eux et à toute une école issue d’eux, qu’on n’exprime rien d’immortel que par le moyen de la perfection de la forme, et que l’art, dès qu’il ne tend pas à la réalisation de la beauté comme à sa fin suprême, n’est qu’un « baladinage ». Et puisqu’enfin les romantiques n’avaient accrédité cette rhétorique étrange que pour en tirer le droit de suivre en tout la liberté de leur caprice ou l’irrégularité de leur fantaisie, les Poèmes barbares et les Poèmes antiques ont témoigné par leur exemple que la beauté n’était pas une illusion de nos sens, mais de toutes les réalités la plus substantielle, comme étant ici-bas la seule qui nous console du mal inguérissable d’exister et de « l’horreur d’être hommes »


Elle seule survit, immuable, éternelle !
La mort peut disperser les univers tremblants,
Mais la beauté flamboie et tout renaît en elle,
Et les mondes encor roulent sous ses pieds blancs.


C’est à la belle pièce d’Hypatie que j’emprunte ces beaux vers. Mais vous rapptelez-vous encore l’hymne triomphal à la Vénus de Milo ?


Du bonheur impassible ô symbole adorable,
Calme, comme la mer en sa sérénité,
Nul sanglot n’a brisé ton sein inaltérable,
Jamais tes pleurs humains n’ont terni ta beauté !