Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/206

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Votre livre justifiait l’opinion de Montaigne ; et l’Académie française vous couronnait. Animé par ce premier succès, vous méditiez un sujet plus vaste; vous rêviez d’écrire l’Histoire de la Conquête de la Grèce par les Romains ; vous en amassiez lentement les matériaux ; et à la vérité, vous ne les mettiez pas, vous ne les avez pas mis encore en œuvre... Tant de choses, dans la vie que nous menons aujourd’hui, nous font, sans le vouloir, infidèles à nos premiers rêves ! Mais vous ne l’étiez pas à votre amour du grec, et je me permets de vous en feliciter.

Je ne me le permettrais pas, si vous n’étiez qu’un simple « professeur ». Nous autres, professeurs, — j’essaierais en vain de me le dissimuler, on nous accuse couramment d’avoir inventé l’antiquité... pour en vivre ; et au fait, nous en vivons, d’une manière frugale, il est vrai, mais nous en vivons. Nous sommes donc un peu suspecta torique nous disons que l’Europe, sans les Grecs, ne serait pas l’Europe ; que, des cinq parties du monde, si la plus petite a tenu dans l’histoire le rôle qu’elle y joue depuis trois mille ans, c’est à eux qu’elle le doit ; que, dans les journées immortelles de Salamine et de Marathon, ils nous ont sauvés, nous, et nos descendants, je l’espère, nos arts, nos sciences, notre civilisation tout entière, de la ruine honteuse dont nous menaçait la barbarie de l’Orient. « Du côté de l’Asie était Vénus, c’est-à-dire, les plaisirs, les folles amours et la mollesse ; du côté de la Grèce était Junon, c’est-à-dire la gravité avec l’amour conjugal, Mercure avec l’éloquence, Jupiter et la sagesse politique. Du côté de l’Asie était Mars impétueux et brutal, c’est-à-dire la guerre faite avec fureur ; du coté de la Grèce était Pallas, c’est-à-