Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/437

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que trop vrai, Messieurs ; ces blessures imméritées faites à une âme d’enfant risquent de la flétrir en pleine verdeur ; mais, comme l’écrit Balzac, qui eut à se plaindre lui aussi des misères du collège : « ces continuelles tourmentes l’habituent à déployer une force qui s’accroît par son exercice et la prédisposent aux résistances morales ». Lorsque, après ces dures années d’apprentissage, Alexandre Dumas rentra en 1841 au logis paternel, il y apporta une puissance de réflexion et une précoce expérience dont il allait avoir plus que jamais besoin.

Ce logis paternel où l’on travaillait beaucoup, mais où l’on s’amusait et où l’on dépensait l’argent dans la même proportion, offrait à un jeune homme de vingt ans toutes les distractions permises, — et même celles qui ne l’étaient pas. — Dumas père, quel que fût son génie, était un médiocre éducateur, et en associant son fils à sa vie passablement vagabonde, il est probable qu’il lui tint un langage assez semblable à celui du comte de la Rivonnière dans Un père prodigue : « J’ai obéi à ma nature, je t’ai donné mes qualités et mes défauts sans compter. J’ai recherché ton affection plus que ton obéissance et ton respect ; je ne t’ai pas appris l’économie, c’est vrai, mais je ne la savais pas… Mettre tout en commun, notre cœur comme notre bourse, tout nous donner et tout nous dire, telle fut notre devise. » Cette façon de comprendre l’existence séduisit d’abord cet adolescent, qui arrivait ennuyé et endolori de son collège. Il se jeta dans cette vie de plaisir « par laisser aller, par imitation et par oisiveté ». Il y épuisa la fougue de la prime jeunesse. Un de vos anciens confrères, le poète Autran, qui s’était lié