Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/442

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l’amour. C’était bien certainement là que la bêtise humaine se constatait le mieux…[1] »

La Dame aux camélias est la première étape sur ce chemin nouveau. Elle contient en germe toutes les innovations qui constitueront les qualités et assureront le succès du théâtre de Dumas fils. Ses héros, dans leurs façons d’agir et de s’exprimer, se rapprochent de la vérité autant que le permet la convention théâtrale. L’auteur ne nous sert pas « des tranches de vie », comme on dit aujourd’hui, il fait mieux ; avec un art prestigieux, il nous donne l’illusion de la vie. Les propos échangés par ses personnages sont autant de traits, autant de fines touches de couleur qui mettent nettement en relief leurs caractères, leurs antécédents et les passions qui les agitent. En une phrase de quelques mots, Alexandre Dumas fait tenir leur histoire. Quand Marguerite Gautier entre en scène et qu’elle dit à Varville : « Mon cher, s’il me fallait écouter tous ceux qui m’aiment, je n’aurais pas seulement le temps de dîner » ; nous avons immédiatement la notion de l’état de son âme de courtisane inconsciente et insouciante, avant sa rencontre avec Armand Duval. Héros et héroïnes, parlent une langue familière et simple comme le ton de la conversation de tous les jours, et cette simplicité donne à leurs sentiments, à leurs douleurs ou à leurs joies un accent de sincérité et de naturel qui charme et qui émerveille. Dans La Dame aux camélias on remarque, il est vrai, çà et là, quelques morceaux qui paraissent démodés aux auditeurs d’aujourd’hui, mais quels sont, même parmi les chefs-d’œuvre,

  1. Préface de La femme de Claude.