Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/445

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« et dont la chute a pour excuse l’amour, mais l’amour seul ». Cette comédie, écrite en 1854, fut représentée en 1855 avec un éclatant succès, mais, en même temps, elle alarma la pudeur de quelques juges scandalisés et le ministre des beaux-arts d’alors se refusa obstinément à l’admettre au répertoire du Théâtre-Français, en la déclarant décidément « trop immorale ». Nous sommes à présent moins rigoristes. Aujourd’hui Le Demi-Monde est joué à la Comédie-Française et ne scandalise plus personne. Au contraire, nous nous étonnons de ne pas être plus choqués ; nous trouvons même que ce monde à côté dont s’effarouchaient nos pères n’a rien de si particulièrement irrégulier. En vieillissant, le siècle est devenu plus tolérant ou peut-être plus blasé en matière de hardiesses.

Alexandre Dumas, du reste, avait prévu notre indulgence actuelle. Dès 1869, dans la préface de sa pièce, il écrivait : « Malgré tout, il ne faut pas nier que les différents mondes se sont mêlés si souvent dans les dernières oscillations de la planète sociale qu’il est résulté du contact quelques inoculations pernicieuses. Hélas ! j’ai grand peur, au train dont la terre tourne maintenant, que ma définition ne soit pour nos neveux un détail purement archéologique, et que, de bonne foi, ils n’en arrivent à confondre bientôt le haut, le milieu et le bas. »

Encouragé par le grand succès du Demi-Monde, Dumas fils tourna décidément son esprit d’observation et son remarquable talent de dramaturge vers la comédie de mœurs. De 1857 à 1864, il fit représenter au Gymnase, avec des fortunes diverses, La Question d’argent, Le Fils naturel, Un père prodigue et L’Ami des femmes. Toutes ces pièces